JOHNNY HALLYDAY

La légende

PREMIERE SCENE



Ceux qui sont de sa génération se souviendront sans doute de ces photos de classe en noir et blanc où les élèves alignés, les bras croisés, le visage pâlichon,se ressemblent tous un peu,trop sages en apparences, coiffés souvent avec une raie indocile sur le côté.Le regard de Jean-Philippe est rêveur,ailleurs, noyé dans un rêve qu'il ne partage avec personne.

Lee Ketcham aide la petite famille en détresse à regler quelques dettes.Au mois d'aout 1949, la tribu débarque à Paris et réintègre l'appartement du 13, rue de la Tour-des Dames.La tournée britannique, assez catastrophique, a laissé à chacun un goût amer, mais cela n'empêche pas de rêver que le succès et la gloire seront bientôt au rendez-vous.

Dans cette famille, on ne baisse pas les bras, on ne renonce pas et c'est de ce courage, de cette énergie farouche que Johnny va hériter.Il porte aussi les gènes d'un père qui l'a abandonné.Les gènes d'un bourlingueur, d'un personnage de Cendrars, instable, capable de détruire ceux qui l'aime, plein de charme et enclin à faire de l'oeil au diable.

A Paris, la vie semble sourire enfin à Hugette.La mère du petit Jean-Philippe commence une carrière de mannequin.Hélène Mar en profite pour lui suggérer qu'elle n'aura pas le temps de s'occuper de l'enfant.

A Londres, la tante Hélène avait obligé le petit garçon à suivre des leçons de solfège.A Paris, elle lui fait donner des cours de danse et, pour ne pas négliger complètement les études scolaires, elle l'envoie, plusieurs fois par semaine, chez une institutrice à la retraite qui lui apprend l'orthographe, le calcul, l'histoire et la géographie.Jean-Philippe se montre d'ailleurs assez doué, mais il sait déjà que son destin n'est pas de devenir fonctionnaire ou clerc de notaire.

Le numéro de danse acrobatique imaginé par l'ami Ketcham est maintenant au point et il part en tournée avec Desta et Menen.Hélène et son neveu font évidemment partie du voyage, à bord d'une Cadillac 1939 : La Belgique,l'Allemagne, le Portugal, l'Italie.C'est dans ce pays que Jean-Philippe rencontre une troupe de flamenco.Il est fasciné par ce tempo sensuel et par un instrument qui ne va plus le quitter : la guitare.

Retour à Paris, en 1952, avec peu d'argent mais un contrat de dix-huit mois au cabaret La Nouvelle Eve pour Lee et Desta.Tombée amoureuse d'un artiste noir américain, Menen a quitté la troupe. Les deux danseurs rescapés du trio doivent se trouver un nom de scène. Ils choisissent de s'appeler les Halliday's.

La même année, Jean-Philippe joue un minuscule rôle parmi la troupe d'enfants du film d'Henri-Georges Clouzot " Les Diaboliques ".En 1955, les Halliday's repartent en tournée.Hélène Mar et son neveu suivent évidemment avec les bagages.

C'est à l'Atlantic Palace de Copenhague,le jour de ses treize ans, que le petit Smet va monter pour la première fois sur une scène.Il est vêtu d'un costume de cow-boy et, mort de trac, en serrant sa guitare dans ses bras, il interprète "Le petit cheval" de Georges Brassens,"Les cavaliers du ciel " et la "ballade de Davy Crockett ".Il est tellement mignon, avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus légèrement bridés.Le public l'applaudit de bon coeur.

De cette enfance étrange, déracinée, érrante, sans l'amour de ses vrais parents, mais entouré quand même de l'affection réelle, vigilante, d'une troupe de saltimbanques,il va garder des traces au fer rouge.Il ne sortira vraiment de son adolescence tumultueuse que quarante ans plus tard, le jour de la mort de son père,Léon Smet.

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